Aptitude et inaptitude médicale au poste de travail

L'article R.4624-25 du Code du travail prévoit la délivrance obligatoire par le médecin du travail, pour chaque salarié bénéficiant d’un suivi individuel renforcé, d'un avis d'aptitude ou d’inaptitude délivré à l'issue de l’examen médical d’embauche et lors de chaque renouvellement de celui-ci. Cet avis est transmis au salarié et à l’employeur.

1. L'aptitude médicale au poste de travail

Lors de la consultation le médecin du travail vérifie la compatibilité entre l’état de santé du salarié et son poste de travail. Il doit apprécier si les risques et les contraintes inhérents à l'emploi occupé peuvent retentir sur la santé de l'intéressé ou sur celle de ses compagnons de travail. Seul le médecin du travail est habilité à délivrer un avis d’aptitude médicale au poste de travail.

Le médecin du travail peut joindre à son avis d’aptitude un document proposant,  après échanges avec le salarié et l’employeur, des aménagements, des adaptations ou transformation du poste  de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail ( Article L.4624-3 du Code du travail).

Ces préconisations peuvent viser certaines tâches (port de charges lourdes, conduite de véhicule...), des situations de travail particulières (travail en hauteur, travail en milieu confiné, travail de nuit...) ou l'exposition à des risques professionnels (amiante, plomb etc.).

L'employeur est tenu de prendre en considération l’avis et les indications ou propositions de mesures individuelles émises par le médecin du travail. En cas de refus, l’employeur fait connaître par écrit, au salarié et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.  (Article L.4624-6 du Code du travail).

Nous recommandons aux employeurs et aux médecins du travail de se concerter le plus tôt possible pour trouver la solution la plus adaptée répondant tant aux exigences médicales qu'aux contraintes de l'entreprise

2. L'inaptitude définitive au poste de travail

La loi travail du 8 août 2016 et le décret du 27 décembre 2016 ont réformé les dispositions relatives à la déclaration d’une inaptitude médicale au poste de travail et ses modalités.  Ces nouvelles règles sont applicables depuis le 1ier janvier 2017.


QUELLES SONT LES MODALITÉS DE DÉCLARATION D’UNE INAPTITUDE ?

Seule une visite médicale (examen médical d’embauche ou son renouvellement, visite de reprise, visite à la demande du salarié ou de l’employeur) réalisée par le médecin du travail permet de délivrer un avis d’inaptitude. La déclaration d’inaptitude est de la compétence exclusive du médecin du travail.

Tout salarié peut, lorsqu’il anticipe une inaptitude, solliciter une visite médicale auprès du médecin du travail dans le cadre d’une démarche de maintien dans l’emploi (Article L.4624-1 CT).

Procédure :

Le médecin du travail ne peut prononcer une inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a  procédé à :

  • Un examen médical de l’intéressé, accompagné si besoin d’examens complémentaires, permettant un échange sur  les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou sur la nécessité de proposer un changement de poste de travail ;
  • Des actes préparatoires :
    • étude de poste réalisée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire (professionnel de santé, technicien hygiène sécurité, assistant santé travail, ergonome…)
    • étude des conditions de travail dans l’établissement avec indication de la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée (date de la fiche d’entreprise mentionnée sur l’avis d’inaptitude)
    • échanges, par tout moyen, avec l’employeur.
      Les échanges avec le salarié et l’employeur, permettent de faire valoir leurs observations sur les avis et propositions que le médecin du travail entend adresser.

NB :Les actes préparatoires doivent avoir été réalisés avant la déclaration d’inaptitude. L’inaptitude n’est prononcée qu’en dernier recours, lorsque aucun aménagement, aucune adaptation ou transformation de poste n’est possible.  

L’obligation de deux examens médicaux n’est plus systématique. Un seul examen peut suffire. Mais si le médecin du travail estime qu’un second examen est nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, celui-ci sera réalisé dans un délai qui n’excède pas 15 jours après le premier examen.
La notification de l’avis médical d’inaptitude intervient au plus tard à cette date.

L’avis d’inaptitude au poste de travail occupé par le salarié, émis par le médecin du travail comporte des conclusions écrites assorties des indications relatives au reclassement du salarié (Article L.4624-4 CT). Le médecin du travail doit formuler des indications sur les capacités du salarié à effectuer l’une des tâches existant dans l’entreprise et des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté (Article L.1226-2 et L.1226-10 CT).  En pratique, le médecin du travail donne, dans le respect du secret médical, des indications sur les tâches pouvant être effectuées par le salarié et /ou sur celles qui sont contre indiquées.
Il peut également mentionner dans cet avis que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (Article R.4624-42 CT).

Lorsque l’inaptitude constatée est susceptible d’être en lien avec un accident de travail ou une maladie professionnelle ; le médecin du travail remet à l’intéressé le formulaire de demande d’indemnité temporaire d’inaptitude  (Article D.433-3 CT).

Les motifs de l’avis médical d’inaptitude sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du salarié (Article R.4624-44 CT).

Les modalités de recours ainsi que les délais en cas de contestation sont indiquées sur les avis et mesures émis par le médecin du travail  (Article R.4624-45 CT).

OBLIGATION DE RECLASSEMENT

L’employeur a obligation de rechercher un poste de reclassement professionnel pour tout salarié déclaré inapte par le médecin du travail que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle (Article L.1226-2 et L.1226-10 CT).  

Que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non, les mêmes règles s’appliquent :

  • prise en compte des conclusions écrites du médecin du travail : capacités du salarié à exercer une des tâches de l’entreprise et à bénéficier d’une formation dans la recherche d’un poste de reclassement
  • consultation des délégués du personnel obligatoire avant toute proposition de reclassement professionnel au salarié
  • si impossibilité de proposer un poste de reclassement, faire connaître, par écrit ; au salarié les motifs qui s’opposent au reclassement


Que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle, la rupture du contrat de travail n’est possible que dans l’un des trois cas suivants (Article L.1226-2-1 et L.1226-12 CT) :

  • impossibilité de proposer un emploi dûment justifiée
  • refus du salarié de l’emploi proposé
  • mention expresse dans l’avis du médecin du travail : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail (Article L.1226-2-1 et L.1226-12 CT).

En cas d’inaptitude d’origine professionnelle, le contrat de travail peut également être suspendu pour permettre au salarié de suivre un stage de reclassement professionnel (Article L.1226-3 CT). .

Si un mois après l’examen de reprise du travail, le salarié déclaré inapte par le médecin du travail n'est ni reclassé dans l'entreprise ni licencié, l'employeur est tenu de reprendre le versement du salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail (Article L.1226-4 et L.1226-11 CT).


N'oubliez pas !
Seul le médecin du travail peut se prononcer sur l'aptitude médicale au poste de travail d'un salarié; les avis et les certificats médicaux des médecins traitants et des médecins conseils de la Sécurité sociale sont sans valeur juridique à cet égard.

CONTESTATION DES AVIS DES MÉDECINS DU TRAVAIL

Les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail en application des article L.4624-2, L.4624-3 et L.4624-4 (avis d’aptitude, avis d’inaptitude ; proposition d’adaptation, d’aménagement, de transformation de poste, de mesures d’aménagement du temps de travail)  peuvent être contestés devant le conseil des prud’hommes en référé, dans un délai maximal de 15 jours après leur notification.

Le conseil des prud’hommes désignera un médecin expert inscrit sur la liste des experts auprès de la cour d’appel.

Le demandeur informe le médecin du travail de la contestation.

Le médecin expert peut demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail de l’intéressé. La formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive (Article L.4624-7 CT).